lundi 18 février 2013

Animale


C’était une nuit de mars
La pluie martèle le sol
Je marche le long d’un boulevard quelconque
Maudissant les trous dans mes bottes
Et surtout le vent

Je regarde au loin
Enfin aussi loin que les yeux permettent de voir
Quand il pleut des torrents
Et qu’il fait nuit

Là, à côté d’une cabine téléphonique,
La pute du coin
Blondasse, la peau marquée
La bouche usée

Les cheveux rêches, cassés
Quasiment chauve
Les yeux injectés de sang
Les avant-bras niqués

Les cuisses trop fines
La poitrine trop morte
Le nez cassé

A dix mètres
Je sens le sperme
Dans son haleine

Evidemment, il est 4h du matin
Et elle boite, meurtrie
Dure nuit, je me dis.

Alors elle vient vers moi
Et je vois dans ses yeux

L’espoir, la joie, la haine
Et l’abandon
Et l’errance
Et la douleur, la faim
Et le dédain d’elle
L’Animale.

Elle s’avance vers moi, la pluie s’écarte,
La pute marche sur les anges
Elle arrive.

Elle ouvre la bouche.
Je vois des dents noires, des jaunes, des vertes
Des crayons de couleurs enfoncés dans ses gencives
Un filet de bave ou d’autre chose s’étend entre ses deux lèvres

Elle essaie d’articuler :
« Eh, jeu.. rre… ne..re… »

Et en un mouvement naïvement gracieux,
Elle fait tournoyer son parapluie
A la Marylin.

Il se prend dans ses jambes,
Surprise elle trébuche, son genou trop maigre flanche,
Son corps tremble

Les anges se taisent. 

Elle continue de me regarder alors qu’elle tombe
Au ralenti
Et dans ses yeux,
Panique
Elle est Animale

« Eh. Jeu…mmh. »

Et elle tombe, comiquement, dans une flaque.

Je passe à côté et relève le col de mon pardessus. 

Dure nuit.