Fermés ils
laissent l’impression amère d’une entreprise inachevée, d’un immense bâtiment
auquel manquent les fenêtres et les portes. Un lieu clos, inhabitable, dans
lequel règne la pestilence des rongeurs de l’humide. Et pourtant de
l’extérieur, mon dieu quelle beauté ! L’architecture est lisse,
subtilement symétrique, élégamment proportionnée, une douce délectation des
yeux pour tout expert en la matière. Seules manquent les ouvertures vers le
monde, ou plutôt les ouvertures vers l’intérieur. Car à bien y réfléchir,
lequel d’entre nous, devant une telle merveille, resterait au perron ?
Nous aurions tous, femmes et hommes, enfants et vieillards, envie d’y rentrer,
de se blottir dans la douce lumière chaleureuse qui semble régner à
l’intérieur.
Ouverts ils éclipsent
tout et la divine élégance de l’architecture autour s’efface. Comme l’eau
disperse les grains de sable mais laisse à leur place les diamants. Ils sont
ouverts, ohé ! Alors tout autour semble être aspiré par cette gravitation
insensée, les regards se tournent, les voix se taisent et les bouches
s’ouvrent. La lumière elle-même semble changer de direction pour se plonger
dans ces deux fenêtres bleues, aux reflets or et vermeils, qui semblent écraser
le monde entier sous le poids d’une bienveillance presque humaine. Et quand
s’allument à l’intérieur les lustres de sa malice et de son charme, nous
donnerions tous notre mère pour être au centre de ce rayonnement presque
palpable, ce soleil miniature.
Rieurs ils
semblent pouvoir nous faire oublier la misère et la peur, la mort et le temps.
A les regarder étinceler de leurs lueurs argentées, on ne peut s’empêcher à
notre tour de sourire, et devenir nous aussi, et c’est là leur vraie force, des
soleils miniatures.
Humides enfin,
ils nous rappellent au gris et à la mélancolie, et à les contempler déborder de
larmes nous sentons sur nous l’immense poids de notre insuffisance et
l’inutilité complète de nos existences futiles. Nous sommes à les regarder
pleurer comme écrasés par les astres que la honte de ce que nous sommes nous
empêche de contempler.
Et quand ils
se fermeront à jamais, nous nous éteindrons aussi, car alors l’univers pleurera
ses soleils favoris.
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