vendredi 24 août 2012

Deux Dieux


Arc-boutés au dessus d’une petite fontaine
Deux dieux complices se plaisent à tailler le bout de gras
L’un figurant qu’il se taperait bien de l’humaine
Et l’autre arguant qu’il préfère de loin les bons gars

En rotant sa vinasse le premier s’interroge
Quelle est la conasse qui de nous fait l’éloge
Et qui croit que de vœux d’abstinence nous avons fait foi
Quand en fait des galipettes gredines nous sommes les rois

Marie, fit l’autre c’est ainsi qu’elle se nomme
Et crois-moi mon vieux elle nous prend pour des pommes
Tout le monde ici-haut sait qu’elle n’a de vierge
Que la liste des hommes dont elle n’a pas vu la verge

Et l’autre de s’esclaffer, des vomissures aux commissures
« Allons bon, ne serait-il pas plus juste et plus honnête
D’aller prévenir curés moines et autres archevêques
Qu’à retenir la culbute, on a point cœur plus pur ?

Le deuxième ivre mort lui répondit ceci :

« Mais non voyons, il est bien trop rigolant
De les voir se tordre contrits et rougissants
La bouche en queue de pie et le nez au zéphir
Quand de la gaule matinale ils sont les martyres »

lundi 20 août 2012

Judith, Tendre Judith


Chère Judith, tendre amie du Wisconsin.

J’ai lancé dans la poussière qui souffle sur le sol de la station service
Une photo d’un mec
Qui n’avait eu pour lui que la chance d’avoir au moins un œil valide

Il en avait qu’un, d’œil, idiot de cyclope.

J’ai jeté par ma fenêtre (simple vitrage)
Une cassette avec des enregistrements de la voix du vieux con d’Ernesto Guevara qui raconte une blague sur les pédés.

J’ai écrasé sous ma botte de cuir s’il vous plait
Un mégot de cigare qu’une fille de prolétaire avait sorti de ses intimes devant les yeux ébahis d’une foule d’aristocrates en chapeau melon.

J’ai fichu en l’air les étagères où Freud posait ses rêves
Dans des petites boules de Crystal
Et la neige qui tombait

J’ai démonté au tournevis une tour Eiffel au 1/40ème
Et j’ai mis toutes les pièces détachées dans un grand sac que j’ai envoyé à ma grande sœur Artémis, déesse de la pêche.

J’ai décroché une à une les étoiles fluorescentes de mon plafond.

Et je les ai foutues au ciel

Juste sous la grande ourse.

Si, si : regardez-bien. 

Mais Judith

Bordel

Qu'est-ce que vous foutez

Dans le Wisconsin

jeudi 16 août 2012

DECOMBRES


Morts et mortes
S’entretuent
Sous des fondations
Du sang comme du jus
Ça pèle et ça lèpre
Ça s’effrite
Les iris

LES ENCRES BLEUES


Épuisés de leurs encres bleues
Les océans s’en retournent aux cieux
Au cœur des ouragans des incendies
Se meuvent les géants sols enfouis

A l’heure de s’enfoncer
Dans la terre profonde et pleine
Les mers ont l’âme alambiquée
Et la poussière revêt leurs peines

Alors que les eaux disparaissent
Dans les fissures terrestres
Sur mon bateau j’espère encore
Te retrouver au prochain port.

LES SOURIRES DES OISEAUX


Là, sous mon petit balcon
Au petit matin
Une brise se dépose, tout comme
Le drap que l’on porte aux fines formes
Courbes de la femme nue
Qui dort.
La brise se dépose, donc, sur mon visage
Qui est comme une femme nue
Et les oiseaux sifflent
Et s’ils pouvaient sourire
Leurs sourires m’envoleraient
Loin d’ici
Et de ma femme, nue, sous mes draps,
Que je n’aime plus.

J’AI TUE MA MERE –ACCIDENTELLEMENT-


C’est cette histoire que l’on conte
A ceux qui n’ont vu de cons
Que ceux de leur mère.
Des cons j’en ai vu,
Je n’ai jamais vu ma mère
J’ai bien l’air d’un con
A l’orée du cimetière.

L’HOMME MODERNE



L’image que me renvoie le miroir ce matin ne me plaît pas. J’ai la gueule couleur locale, c'est-à-dire que j’habite un quartier un peu cradingue en banlieue de Paris, c'est-à-dire que ma gueule est aussi bazardée qu’un bidonville, c'est-à-dire que les clodos me pissent dessus et que j’ai des putes qui sillonnent les rides labyrinthiques de mon visage.
Aux détours de mes yeux, les ruelles retombent en nuées tristes sur le coin de mes lèvres. Mes pauvres lèvres, gercées et rougies par le vin. Aux alentours des creux que les truelles de la nuit on creusées, crissent les fèves des rois déchus, rayant ma peau de mille cicatrices. Mon regard est terne, empli d’un vide sans fond, que celui de la folie douce qui resurgit des temps oubliés. Mes cheveux fins et gras griffonnent sur mon front des formes aiguës. L’image que me renvoie le miroir ne me plaît pas. 
C’est moi, désossé, en pièces détachées, debout devant la glace.
Dehors l'aube. L’œil de bœuf, fenêtre unique vers l’extérieur, laisse traîner une lueur sourde mais entêtante. Comme une musique décharnée, une musique morte, qui annonce l’avènement d’une nouvelle lumière, vouée à l’extinction. Mon reflet me regarde maintenant avec un air de défi, l’air de dire :
« Alors qu’est-ce que tu vas faire ? »
Je me retourne, je ne sais pas à qui il s’adresse.
A moi. Je lui susurre d’aller se faire foutre. J’envoie le dentifrice et le flacon de parfum valser.
Le verre éclate, mes yeux rougis s’éteignent, et doucement l’odeur entêtante d’une forêt de pins monte dans la pièce.
Je me regarde comme ça un long quart d’heure, jurant sur ce qu’il y a de plus sacré que je ne suis qu’un misérable vaurien, un salaud, un enculé. Et je me lave. Je me pouponne, coquet comme un pédé. Je passe du gel dans mes cheveux, je blanchis mes dents. J’enfile un costard, des chaussures noires et luisantes par-dessus des chaussettes grises. J’attrape un café et je déserte l’endroit. Maudit appartement, cage à lapin, piège à huître. Dehors ça pue, c’est Mehdi qui vend ses sandwiches américains. Ou peut-être que c’est l’odeur pestilentielle qui caractérise tout ce que j’approche. Je trouve que le monde pue, empeste, exhale, rote, pète et vomit sur moi.
Au feu rouge, je me vois par intermittence dans les vitres des voitures qui passent à toute allure devant moi, à quelques centimètres. Je vois mon corps ratatiné. Je vois la terre s’écrouler dans les yeux des conducteurs, je vois la résignation qui peint leurs traits angoissés. Je vois les fumées opaques des ordres et du devoir. Je vois des usines turbiner, de leurs gigantesques cheminées, sorties d’un chapitre d’histoire sur la révolution industrielle, je vois les silos balourds, les formes acérées ou arrondies, je vois des masses militaires et des arcs électriques, des silhouettes vibrantes dans un air vicié, derrière des brouillards de pluie diluvienne. Je vois les incendies de ma conscience, je vois mon reflet.
Je suis la trace puante des libertés d’antan.
Je suis le chemin tracé sous les fougères.
Je suis un Dieu pourvoyeur de génocides.
Je suis mécène de ma propre infortune.
Je suis la lente litanie que les vents soufflent sur les illusions.
Je suis enchanteur et charlatan.
Je suis un homme moderne. 


S(C)E(PTR)(X)E


Armé d’un sceptre d’opaline
J’emprunte les sentiers exigus
Qui grimpent le long de tes collines
Vers les forêts perdues

Je pourfends sur mon chemin
Les démons et les saints
Et doucement je pénètre
Les jardins d’Electre

Des arcs se tendent au ciel
Et la nuit coule vermeille
Miracles mirages et folies
Sur les berges du lit

La rivière s’agite maintenant
Des milliers de poissons en dedans
Et les reflets tourbillonnent
Mugissent et s’étonnent en riant

Electriques les soubresauts
A la lumière divine
Murissent les fruits gorgés d’eau
Sous les assauts de ma

D’opaline.

Et dans un soupir incertain
La guerre doucement se tasse
La mort est défiée, rendue lasse
Par le bonheur des amants
Qui crachent
A la face
Du destin.

ET MERDE



 Et merde
J’ai encore raté
Ma vie
C’est la troisième fois
Que j’me fais baiser
Facile.

SIX GARROTS


Six garrots
Pour mes bras
Cigarettes
Pour mes draps
Qui brûlent.
Je pulmone
Me viscérise
Je m’anémone
M’électrise
Mes six garros
Mes cigarettes
A la gare
Au loup.
Si vous en avez le temps
Allez-vous faire foutre
Toujours doucement
Et jamais à la bourre
Vos gueules sans cicatrices
Me sortent par tous les trous
Les pores et les vices.
Les ports et leurs tristes
Les porcs et leurs tripes.
Y’aura que Gainsbourg
Au paradis
A sucer les tétons défoncés
De la Mother Mary.
Les seringues
Retombent.
Mon délire
S’estompe.
Mes six garrots,
Mes cigarettes.


ARRIVER A L’HEURE



Quel fasciste faut-il être
Pour vouer à l’heure
Une adoration de brise-fête
Qui seconde les minutes ?

BYE


Je m’en vais.
Grosso modo.
C’est un adieu.
Plus ou moins.

LA CHUTE

LA CHUTE

Grignoté par la chute, je chimère tranquillement.
Un café noir, deux sucres. Trois.
Une nuit blanche, deux. Trois.
Un café noir, deux sucres. Et merde.
Là dehors, à sept heures le matin, on me grignote.
On m’envoie faire des courbettes.
On me trimballe et on me déballe.
Larguées, les amarres.
On m’étale sur du papier. L’air administratif, je ne pipe mot.
Pas admiratif pour un sou, que je n’ai pas au fond de ma poche,
Tant pis pour le café. Juste des sucres. De quoi tenir,
Le temps de renflouer les caisses, j’ai un sale air.  
On rigole dans la rue. On me rigole moi qui suis nu.
J’ai encore oublié mon pantalon.
Je suis nu face à quarante ans de sept heures le matin
Quarante ans de cafés
Quarante ans d’amarres larguées.

Hors de question.